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L'émeraude du Nil
22 septembre 2010

Ramsinit

A partir de ce prince, la splendeur des pharaons décline, l'obscurité augmente ; mais les prêtres plaçaient dans ces ténèbres, à défaut d'histoire réelle, des légendes qu'ils contèrent à Hérodote.
Un des rois de la vingtième dynastie, lui dirent-ils, Ramsinit, avait de très grandes richesses ; pour les mettre en sûreté, il fit élever un édifice en pierre, dont un des murs était hors de l'enceinte du palais. L'architecte, qui avait de mauvais desseins, arrangea une des pierres avec tant d'art, que deux hommes ou même un seul pouvaient facilement l'ôter. L'édifice achevé, Ramsinit y fit porter ses trésors. Quelque temps après, l'architecte, sentant approcher sa fin, manda ses deux fils et leur dit qu'en faisant le bâtiment où étaient les trésors du roi il avait usé d'artifice, afin de leur procurer le moyen de vivre dans l'abondance. Il leur expliqua clairement les dimensions de la pierre, la place où elle était, la manière de l'ôter sans qu'il y parût, et il qjouta que, s'ils observaient exactement de qu'il leur avait dit, ils se verraient les maître de l'argent du roi.
L'architecte mort, ses fils se mirent à l'ouvrage. Ils allèrent de nuit au palais, trouvèrent la pierre désignée, l'ôtèrent facilement et emportèrent de grosses sommes. Le roi étant un jour entré dans son trésor fut tout étonné, en visitant les vases où était son argent, de trouver qu'ils n'étaient plus remplis. Il ne savait qui en accuser, parce qu'il avait trouvé parfaitement intacts les sceaux qu'il avait fait apposer sur la porte. Il revint deux ou trois fois et reconnut que l'argent avait encore diminué, car les voleurs ne cessaient point de piller. Il fit alors fabriquer des pièges qu'on plaça autour des vases où étaient les trésors. Une nuit, un des jeunes gens entra, alla droit aux vases, donna dans le piège et s'y prit. Quand il se vit dans cette fâcheuse situation, il appela son frère, le conjura d'entrer au plus vite et de lui couper la tête, de crainte qu'on ne le reconnût et qu'il ne fût la cause de la perte de tous les siens. Le frère obéit, remit la pierre et s'en retourna chez lui.
Dès que le jour parut, le roi se rendit à son trésor. Quel fut son étonnement de voir ce corps sans tête pris et arrêté dans le piège, et de ne trouver nulle dégradation dans l'édifice, nulle ouverture par où l'on avait pu s'introduire !
Pour arriver à pénétrer cemystère, il fit pendre sur la muraille le cadavre et plaça des gardes auprès avec ordre de lui amener celui qu'ils verraient pleurer à ce spectacle ou en montrer l'émotion. Quand la mère du voleur sut où était le corps de son fils, elle ordonna à l'autre de mettre tout en oeuvre pour le recouvrer et le lui apporter ; elle le menaça, s'il ne lui donnait pas satisfaction, d'aller elle-même le dénoncer au roi. Le jeune homme, n'étant pas parvenu à fléchir sa mère, quelque chose qu'il pût dire, et craignant ses menaces, imagina un artifice. Il chargea sur des ânes quelques outres remplies de vin et chassa les animaux devant lui. Lorsqu'il fut près de ceux qui gardaient le corps de son frère, il délia, sans qu'on le vît, le col de deux ou trois de ses outres, et, lorsque le vin se répandit à terre, il se frappa la tête comme un homme au désespoir et qui ne savait auquel de ses ânes il devait courir. Les gardiens accoururent pour recueillir le vin qui coulait en abondance, comptant que c'était autant de gagner pour eux. Le jeune homme feignit d'être en colère et leur dit beaucoup d'injures ; mais il cessa peu à peu ses emportements, fit semblant de s'apaiser et détourna ses ânes du chemin pour refermer plus aisément les outres. Il s'entretint ensuite avec les gardes, et, comme ils tâchaient de l'égayer en lui faisant des plaisanteries, il leur donna une de ses outres. Ils s'assirent aussitôt dans le lieu où ils se trouvaient et, ne pensant plus qu'à boire, pressèrent  le jeune homme de rester et de leur tenir compagnie. Il se laissa persuader, demeura avec eux et leur donna encore une outre. Les gardes burent avec excès, s'enivrèrent, puis, vaincus par le sommeil, s'endormirent à l'endroit même où ils avaient bu. Dès que le jeune homme vit la nuit avancée, il leur rasa par dérision la joue droite, détacha le corps de son frère, le chargea sur un de ses ânes et revint chez lui, ayant ainsi exécuté les ordres de sa mère.
Lorsque le roi apprit qu'on avait enlevé le corps du voleur, il entra dans une grande colère ; mais, comme il voulait absolument savoir qui avait fait le coup, il chargea un de ses ministres de se rendre déguisé dans un endroit de la ville, et là de faire connaître qu'il donnerait une grande récompense à celui qui lui raconterait la plus belle histoire. Le voleur, l'ayant appris, reconnut le piège et voulut montrer qu'il était plus habile que le roi. Il coupa près de l'épaule le bras d'un homme nouvellement mort, le mit sous son manteau et alla trouver le ministre du roi. Celui-ci lui fit les questions qu'il adressait à tous les autres. Le voleur lui raconta ce qu'il avait fait. Il finissait à peine, que le ministre veut l'arrêter. Comme ils étaient dans un lieu obscur, le voleur lui tendit le bras du mort que l'autre saisit, et dans le même temps il s'échappa.
Le roi, informé de ce qui s'était passé, fût extrêmement surpris de la ruse et de la hardiesse de cet homme. Il fit publier dans toutes les villes de son obéissance qu'il lui accordait sa grâce, et que, s'il voulait se présenter devant lui, il le récompenserait magnifiquement. Le voleur se fia cette fois à la parole du roi et se rendit au palais. Ramsinit conçut pour lui une si grande admiration, qu'il lui donna sa fille en mariage.palais
Voilà une histoire digne des Mille et une Nuits, quoiqu'elle soit bien vieille ; mais le goût du merveilleux a de tout temps existé dans l'Orient. Les prêtres faisaient descendre le même roi tout vivant aux Enfers, sans toutefois s'être mis en frais d'imagination pour raconter une pareille entreprise : ils ne dirent à Hérodote ni par quels moyens Ramsinit y alla, ni dans quel but. Il y trouva Cérès, joua aux dés avec elle, tantôt gagna et tantôt perdit. Au retour, la déesse lui fit présent d'une serviette d'or : c'était bien peu pour un si grand voyage ! Quand les Grecs faisaient tenter la même aventure par Hercule et Thésée, la chose valait au moins la peine, et, à défaut de raisons, ils trouvaient des prétextes : l'un y arrachait Alceste des mains de la Mort, l'autre voulait ravir Proserpine à Pluton, le dieu des Enfers.

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