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L'émeraude du Nil
24 mai 2009

Momies et chats

A mi-chemin entre le Caire et Louxor, sur la rive orientale du Nil, près de Beni-Hasan, une petite chapelle rupestre creusée sur l'ordre d'Hatchepsout, le Speao Artemidos des Grecs, était consacrée à une autre déesse-lionne, devenue déesse-chatte, Pakhet. Au pied de ce sanctuaire s'étendait une autre cimetière deNum_riser0001 chats. C'est un fellah qui le découvrit en 1859, en fouillant à la limite des terres cultivées. Encore une bonne aubaine pour l'agriculture ! Trois cent mille bêtes furent exhumées, transportées en Angleterre et converties en engrais. Par chance, il nous en est resté un bon nombre d'exemplaires admirablement bandelettés avec du linge de deux couleurs. Ils étaient souvent placés dans de petits sarcophages de bronze ou de bois en forme de chat, avec les yeux incrustés de pâte colorée, d'obsidienne ou de cristal de roche. Certains avaient seulement la tête recouverte d'un masque de chat en bronze, aux oreilles ornées d'un anneau d'or. Les foetus et les chatons étaient déposés directement sur le ventre d'une statue représentant leur mère ou dans une boîte en bois ou de bronze surmontée d'une figurine de l'animal.
On pourrait croire, à voir la dévotion dont on l'entourait, que ce petit compagnon domestique tenait une grande place dans la vie de l'Egyptien. Quand il mourait, la famille prenait le deuil, se rasait les sourcils, le veillait puis l'emportait chez l'embaumeur. Mais un papyrus grec jette une lueur étrange sur l'ensevelissement des chats et sur le sort qu'on leur faisait subir à des fins magiques. Nous allons suivre avec Capart, le déroulement d'un bien curieux sortilège. Il suffit de se procurer un chat et de le noyer : on sait que la mise à mort d'un chat était considérée comme un acte impie mais il y avait un moyen de tourner ce crime à son profit. Pendant que l'animal se débat sous l'eau, on récite la prière suivante :
"Viens à moi, ô toi qui disposes de l'aspect d'Hélios, dieu à figure de chat, regarde ton apparence maltraitée par tes adversaires X ou Y ; venge-toi sur eux et accomplis telle ou telle chose car je fais appel à toi, ô démon sacré ; réunis tes forces contre tes ennemis, car je te conjure par ton nom... Lève-toi pour moi, ô dieu à figure de chat et fais telle ou telle chose."
En somme, on rejette, par une formule magique, la responsabilité du meurtre sur ses ennemis afin que la divinité protectrice de l'animal et l'animal déifié lui-même, se vengent en eux. Une fois la bête morte, on lui glisse dans le corps de petits morceaux de papyrus sur lesquels on a inscrit à l'encre rouge, la requête auprès de la déesse Bastet. On enroule le petit cadavre dans une feuille de papyrus où l'on aura dessiné, au préalable, des images rituelles. Puis on enterre le chat. Avec l'eau de la noyade, on procède à des aspersions de la tombe un disant : "Je te conjure, démon évoqué en cet endroit et toi, le démon de ce chat devenu esprit, viens à moi aujourd'hui, à l'instant et exécute pour moi telle ou telle chose." Enfin, on brandit les moustaches du chat en marchant en direction du soleil et en affirmant bien haut que ce sont les ennemis qui ont mis à mort la pauvre bête. Le papyrus confirme l'excellence de la recette en ces termes : "Telle est l'opération magique avec le chat, appropriée à toute fin, bonne pour faire du tort à un conducteur de char lors de la course, pour donner des rêves, pour se procurer l'amour d'une femme, pour exciter la division ou la haine." Ainsi s'expliquent les inscriptions qu'on lit souvent sur le socle des statuettes de chatte : "Déesse Bastet, donne la vie, la santé, une existence heureuse à untel, fils de untel." Etonnez-vous donc après cela de la dimension des fosses de Bubaste et des centaines de milliers de chats de Beni-Hasan.

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